Découvrez l’histoire de Trang, une jeune fille issue d’un milieu très défavorisé dans la région des hauts plateaux. Portrait signé par Nicolas.
Trang est née le 20 avril 1999 dans la région des hauts plateaux du centre du Vietnam. Elle fait partie de la minorité ethnique des Bahnar qui sont à très forte majorité catholiques.
Elle a grandi avec ses parents, ses deux grands frères et son petit frère dans la localité de Plei Trum située dans la campagne à plus de cinq heures de Plei Ku. Ses parents ont vécu dans une petite maison faite de bois et de taule sur un terrain d’un hectare dont une grande partie est couverte de pierres et donc peu propice à l’agriculture.
Depuis toujours leur revenu provient exclusivement de l’élevage d’un ou plusieurs buffles, en fonction des années, et parfois de vaches. Une fois l’an, ils vendent en général un buffle pour couvrir leurs frais médicaux, l’achat de nouveaux vêtements et de quelques ustensiles pour la maison.
En 2015 lors de violents orages, la rivière mitoyenne à leur maison emporte les deux tiers de leur terrain et abîme en grande partie leur logement. Ils décident de se construire une maison en briques reliée à l’électricité. Pour cela, ils vendent l’année suivante la plupart de leurs animaux et n’en gardent qu’un seul.
Une scolarité semée d’embûches
Dès l’âge de 6 ans comme chaque enfant Banhar, Trang partait seule à vélo sur des chemins de terre pour rejoindre son école primaire située à 30 minutes.
L’éloignement et le coût des écoles, l’absence de soutien scolaire lorsqu’un enfant décroche et les habitudes culturelles et sociales conduisent généralement ces enfants de minorité à arrêter leurs études après le niveau primaire. Ce sont autant d’obstacles que Trang a dû surmonter pour poursuivre sa scolarité jusqu’au lycée.
En juin 2017, Trang obtient son baccalauréat mais aucune porte universitaire ne s’ouvre à elle ; leurs coûts, en incluant le logement et la nourriture les rendent prohibitifs pour elle. Alors, l’année qui suit son bac, Trang reste auprès de ses parents, aidant sa mère à s’occuper du potager tout en rêvant de pouvoir poursuivre ses études.
Elle aurait normalement dû suivre le parcours traditionnel des filles Banhar et se marier dès 17 ans. Sa mère le souhaite ardemment et organise déjà son mariage. Mais Trang a un autre projet : trouver un emploi pour aider financièrement ses parents.
Pour les jeunes filles pauvres, la formation de gouvernante
A l’été 2018, lors d’une messe, le prêtre qui officiait, connaissant son envie de trouver du travail, lui parle d’une formation au métier de gouvernante. Celle-ci est proposée par les Filles de la Charité aux jeunes filles issues de milieux pauvres. Gratuite, cette formation de huit mois a lieu à Phuoc Loc, dans un établissement de formation professionnelle construit par AVE, et devrait lui permettre de trouver un emploi à Ho Chi Minh Ville.
Comme de nombreuses personnes de la communauté, sa mère s’élève contre. Mais avec le soutien de son père, puis d’une religieuse qui officiait dans l’annexe de l’église près de sa maison, elle remplit un dossier de demande de bourse d’études. Et celui-ci est accepté ! Il lui permet en septembre 2018 d’embarquer avec 39 autres filles de la province, dans un bus pour Phuoc Loc.
L’arrivée à Phuoc Loc représente un grand changement dans sa vie : pour la première fois elle vit éloignée de sa famille, se retrouvant dans un dortoir de 40 lits. Tous les midis, elle et ses camarades apprennent à cuisiner pour tout le centre de formation, soit 240 personnes.
Huit mois plus tard, en mai 2019, grâce à cette formation, elle débute sa vie professionnelle dans une famille française, trouvée avec l’aide du service social des Filles de la Charité. Là, elle s’occupe des deux garçons de 9 ans et 11 ans, fait le ménage et la cuisine.
Sa volonté de ne jamais lâcher les études lui a permis d’atteindre son rêve. Si elle a pris conscience dès le lycée des ressources familiales trop limitées pour poursuivre dans la voie universitaire, sa curiosité et son envie d’élargir ses connaissances l’ont détourné d’un mariage précoce qu’elle ne voulait pas envisager.
La possibilité de suivre la formation de Phuoc Loc et le soutien indéfectible de son père lui ont donné la possibilité d’être ce qu’elle est aujourd’hui : une jeune fille bien dans sa peau, heureuse de pouvoir aider maintenant financièrement ses parents. Elle rêve dorénavant de construire un homestay (maison d’hôtes) à côté de la maison de ses parents pour pouvoir s’occuper d’eux tout en restant ouverte sur le monde extérieur.