L’histoire de Diem, c’est aussi l’histoire de ses parents. Grâce à leur courage et à leur ouverture d’esprit, ils ont permis à leur petite fille, atteinte d’une trisomie 21 de devenir une enfant joyeuse et vive. Accueillie dans une école spécialisée pour les enfants handicapés soutenue par AVE, elle s’épanouit aujourd’hui pleinement dans sa scolarité.
Un portrait signé Nicolas.
Diem est née en 2013 à Suoi Nho, une ville à 2 heures de bus au nord de Ho Chi Minh Ville, située dans une zone agricole prioritaire. L’agriculture y est développée pour soutenir les besoins de la mégalopole, mais malheureusement les pesticides y sont aussi très utilisés et affectent la population au quotidien.
Avant la naissance de Diem, son père, Tu, et sa mère, Ngoc Anh, travaillaient comme producteurs maraîchers et vendaient leurs légumes tous les jours sur le marché de gros du district. Pour cela, ils devaient se lever vers 2h du matin. Un travail pénible qui leur permettait de vivre tout juste simplement. Durant les deux ans qui ont suivi leur mariage, les parents de Diem ne parvinrent pas à avoir de bébé, mais très croyants, ils gardaient espoir.
Enfin, Ngoc Anh tombe enceinte. Une grossesse compliquée par des problèmes de santé et un rythme de vie l’obligeant toujours à se lever quotidiennement bien avant l’aube. Elle accouche de Diem à la 32e semaine, une naissance prématurée qui inquiète ses parents avant qu’ils ne soient rassurés par le médecin : l’état de santé de leur fille ne pose pas de problème. En revanche, comme les problèmes de vue sont fréquents pour les enfants prématurés, une visite chez un ophtalmologue au cours des trois premiers mois leur est recommandée.
La terrible annonce
Quelques semaines plus tard, les parents se rendent avec Diem à l’hôpital spécialisé dans le soin des yeux de Ho Chi Minh Ville. Après avoir examiné le bébé, l’ophtalmologue leur pose cette première question : « Est-ce votre première enfant ? ». Ce n’est que plus tard qu’ils comprendront le sens de cette interrogation. Le médecin leur explique alors que leur fille est potentiellement trisomique. Les parents ne comprennent pas ce terme abstrait pour eux mais l’inquiétude s’installe dans leur esprit.
Ils sont dirigés vers l’hôpital pédiatrique ; ils perçoivent qu’il y a un problème mais n’en mesurent pas l’ampleur. Le pédiatre qui les reçoit ausculte Diem et à nouveau pose cette même question : « Est-ce votre premier enfant ? ». La réponse positive des parents semble préoccuper le médecin. Au fil des explications données par le praticien sur la trisomie 21, photo à l’appui, le sol se dérobe sous leurs pieds : leur fille est condamnée toute sa vie à une maladie mentale très handicapante qu’aucun médicament ne peut soigner.
Le corps médical va néanmoins leur apporter un certain réconfort en leur rappelant que si la trisomie est incurable et terrible pour les parents, elle n’empêche pas les personnes atteintes de pouvoir être heureuses à leur manière.
Soutenus par leur foi, les parents de Diem s’accrochent à l’idée qu’ils peuvent aider leur fille. Ils mettront dès lors tout en œuvre pour cela.
Ils écoutent les médecins leur expliquer toutes les difficultés médicales qu’ils traverseront dans les prochaines années : les problèmes articulaires, de motricité avec une marche beaucoup plus tardive, les problèmes de communication, de propreté, de socialisation, et potentiellement des problèmes cardiaques. Mais ce que le couple retient en priorité, ce sont les conseils pour aider leur enfant : ils doivent favoriser son activité physique, la mettre en contact d’autres personnes pour qu’elle puisse sociabiliser, et ils doivent lui parler le plus possible même si elle ne semble pas comprendre ou ne répond pas.
Une série de problèmes de santé
Les trois premières années sont très dures moralement, toutes les difficultés médicales évoquées par les médecins, surviennent. Ils sont les témoins des problèmes d’articulations, de croissance, de motricité, de compréhension chez leur fille. Et surtout, les problèmes cardiaques se multiplient.
Entre temps, la mère de Diem tombe de nouveau enceinte. Diem a tout juste 16 mois. La grossesse est involontaire mais ils l’acceptent malgré la surcharge de travail qu’elle représente. Pour ne plus devoir se lever tous les jours bien avant l’aube, Ngoc Anh loue une parcelle de terre et se lance dans la culture de champignons.
Pendant les mois de grossesse, les parents sont inquiets malgré les examens et tests attestant de l’absence de problèmes chez leur deuxième enfant. Leur bébé, Tai, naît à nouveau prématurément à 32 semaines, mais cette fois-ci l’enfant, un garçon, n’est pas trisomique. Les parents sont heureux à l’idée que Diem ait un frère qui pourra s’occuper d’elle plus tard.
Durant cette période Diem passe certains mois plus de la moitié de son temps à l’hôpital. Le père de Diem doit s’arrêter de travailler pour s’occuper de Diem et de son petit frère à plein temps ; sa mère met en pause son travail dès que Diem séjourne à l’hôpital. Ils vendent le petit terrain que leurs parents leur avaient transmis pour payer les frais médicaux et les pertes de revenus occasionnées par leurs arrêts de travail. Leur vie est très dure mais ce qui est le plus difficile à supporter, c’est ce sentiment profond de culpabilité que la mère ressent : un sentiment terrible renforcé par les questions et les remarques que les voisins soulèvent pour chercher en permanence la cause de cette trisomie.
Donner à Diem toute les chances pour s’épanouir
Malgré ces difficultés, les parents de Diem ne dévient pas de leur objectif et suivent à la lettre les conseils des médecins. Tous les jours, dès que sa santé le permet, son père amène Diem dans la cour de l’école primaire de son quartier pour la mettre au contact d’autres enfants, puis chaque après-midi, il va à l’église bien avant la messe pour n’en repartir que bien après, afin que Diem rencontre le maximum de personnes. De nombreuses personnes s’attachent à elle et jouent avec elle, lui parlent ou simplement échangent des sourires.
Tu et Ngoc Anh ne comptent plus le nombre d’heures à parler à leur fille, à lui conter des histoires pour enfants, à lui décrire tout ce qu’elle voit… Maintes fois, ils ont le sentiment qu’elle ne comprend pas. Suivant le conseil des médecins, son père n’a de cesse de masser ses muscles tous les matins pour favoriser son développement musculaire et articulaire.
Les religieuses qui coordonnent à proximité une école accueillant des enfants handicapés, proposent aux parents de recevoir Diem dans leur école lorsqu’elle sera capable de marcher seule. C’est ainsi que Diem rejoint l’école pour enfants handicapés de Suoi Nho au début de sa troisième année.
Une nouvelle épreuve
L’entrée de Diem dans l’école de Suoi Nho permet à ses parents de respirer un peu pour la première fois depuis trois ans. Certes Diem n’est pas encore propre et autonome ; elle prononce uniquement des sons bizarres ; mais le soutien éducatif que leur apporte l’école leur fait espérer une amélioration progressive. Un moment d’accalmie trop bref puisqu’un évènement va replonger le couple dans une grande détresse morale.
Dans sa quatrième année, ses problèmes de cœur se compliquent. Ses parents doivent la conduire en urgence à l’hôpital. La petite tombe dans le coma. Une intervention chirurgicale est nécessaire mais ils n’ont pas les moyens de la financer. Ils sont alors orientés vers l’institut du cœur de Ho Chi Minh, qui grâce aux dons qu’il reçoit, prend en charge gratuitement des familles pauvres. Hélas, la nouvelle tombe de la bouche du médecin qui les reçoit : « La clinique utilise les subventions uniquement pour opérer des personnes qui peuvent apporter quelque chose à la société ». Ils reçoivent de plein fouet cette phrase terrible, froide, dénuée de toute humanité.
Moralement au plus bas, Tu et Ngoc Anh s’en remettent à la prière. Après quatre jours de coma, une éternité durant laquelle la vie des parents de Diem est en suspens, c’est la délivrance : Diem se réveille sans avoir subi d’opération. Mieux encore son état s’améliore, elle se réalimente et une semaine plus tard, elle est en mesure de retourner chez elle. Depuis ce jour, la santé de Diem est bien meilleure, ses parents vivent cela comme un miracle. Dorénavant la petite fille peut profiter au mieux de son temps à l’école dont elle rafole.
passionnée par l’école
Elle se révèle faire de grand progrès les années qui suivent. Pour sa sixième année, elle est parfaitement propre, fait sa toilette seule, choisit elle-même ses vêtements. Elle dit des phrases simples comme bonjour, au revoir, merci. Mais elle communique aussi avec ses yeux et toute son attitude. Pour ses 8 ans, elle sait compter jusque 100 et lire les lettres.
Lorsque ses parents parlent aujourd’hui de leur fille, des étoiles brillent dans leurs yeux. Ils racontent à qui veut l’entendre des anecdotes pleines de chaleur sur leur petite fille.
Diem est également très attentionnée et affectueuse. Quand son père rentre du travail, elle lui demande s’il est fatigué. Si c’est le cas, elle lui apporte un verre d’eau, l’évente avec un éventail et lui fait un câlin. Si quelqu’un est malade, elle laisse tout tomber et vient s’occuper de cette personne, comme le ferait un médecin jusqu’à ce que le malade aille mieux.
Aujourd’hui, âgée de 8 ans, Diem rythme la vie de sa famille par son caractère joyeux, volontaire et résilient. Quand ses parents sont fâchés contre elle, elle vient leur faire des câlins et de grands sourires jusqu’à ce qu’ils se calment. Lorsque c’est à son tour d’être fâchée, elle tourne le dos, croise les bras pour leur signifier son mécontentement. Quand son petit frère est grondé, elle vient le prendre dans ses bras pour le protéger. Si les parents se disputent, elle s’interpose pour leur dire d’arrêter.
Diem a bien changé et ces changements, les médecins l’attribuent en premier lieu à tout ce que ses parents ont fait pour Diem. Le regard des autres a également changé. Ce n’est plus la pitié qui s’y reflète mais bien, au contraire, l’admiration de voir une jeune fille trisomique si ouverte, communicante, souriante vers qui chacun a envie d’aller.
Aujourd’hui lorsque des personnes croisent Diem et demandent à ses parent si elle est trisomique, ils répondent par l’affirmative mais qu’elle vit tout à fait normalement. Ils sont fiers de leur fille et sentent qu’elle est heureuse. Cela suffit à leur bonheur.
Plus tard, les parents de Diem aimeraient scolariser leur fille dans une école tenue par des sœurs à Dalat. Celles-ci proposent des formations professionnelles aux enfants handicapés, comme le tressage, la préparation de boissons ou le massage. Ses parents sont conscients que cela ne sera pas forcement possible mais ils vont tout faire pour que ce puisse être le cas.